VII
De retour à la surface, nous avons remarqué que la Mer d'Aral avait en effet bien diminué, et semblait terriblement souffrir de l'exploitation qu'on faisait d'elle.
On l'a alors cherché. Et quand Édouard Michael l'a trouvée, il resta juste impassible. Il était trop tard, elle était morte.
Il ne put retenir sa colère face à cette injustice. Il blâma les humains évidemment. En particulier ceux qui avait surexploité la Mer d'Aral. L'avaient tuée et détruit son univers. Mais il blâmait également toute la race humaine, qui malgré son pouvoir de créer, avait toujours préféré détruire. En particulier en faisant la guerre et en se détruisant mutuellement, voir en s'auto-détruisant. Et la plupart du temps pour des raisons à la con... Mais en plus parce qu'en le faisant, ils emmènent avec eux d'autres vies, d'autres mondes1.
J'ai eu un pensée pour tous ces micro organismes extérieurs au corps humain, mais qui y vivent en parfaite osmose. Tous ces écosystèmes qui subissent les retombées partout sur Terre. Bien sûr ils vont survivre, évoluer. Mais à quel prix.
Édouard Michael continua à déverser sa colère en reprochant aux humains, supposément supérieurs et conscient de leur existence, de se reproduire de manière égoïste et irresponsable. Sans réfléchir aux conséquences et aux poids qu'ils pèsent dans l'équilibre entre tous les habitants de la Terre.
L'être humain pense que si il se reproduit c'est parce que c'est sa nature, c'est comme ça, c'est un instinct primaire. Effectivement, c'est un instinct de survie pour l'espèce. Mais il y a beaucoup trop d'humains, et l'instinct de survie serait peut-être maintenant d'arrêter de tous vouloir se reproduire.
Il continua en disant que certaines personnes ont sûrement déjà évolué dans ce sens, et ne souhaite pas forcément avoir d'enfants, fonder de famille. Des personnes qui n'ont pas ce besoin primordial, cette envie, mais qui se sentent tout de même forcées par une pression sociale qui les obligent à rentrer dans le moule.
Pour évoluer, l'espèce humaine devrait se rendre compte que tout les hommes ne veulent pas forcément être des pères. Et que toutes les femmes, ne sont pas vouées à devenir des mères.
Finalement, il ne put s'empêcher de ressentir un profond désespoir pour la race humaine2. Et décida tout simplement de se tirer de la planète. Seul.
En retrouvant la montgolfière, on s'est rendu compte que seulement dix ans s'étaient écoulés à cette dimension. Le fait d'être immensément réduit et de faire une masse beaucoup plus faible avait du altérer notre concordance spatio-temporelle. Enfin, je dis ça mais je ne suis pas ingénieur en espace-temps.
Avant de partir, nous avons trouvé une sorte d'œuf dans l'eau. Comme il était également constitué d'eau, nous avons pu voir qu'il s'agissait d'une nouvelle entité. La fille de la Mer d'Aral3.
Si les conditions le veulent bien, que les humains autours ne font pas trop les cons, et qu'elle le désir, il pourrait encore rester un peu espoir pour la Mer d'Aral.
Et j'ai repensé à ce qu'avait dit Édouard Michael, dans son discours pour le moins pessimiste sur l'espèce humaine. Et je me suis dit qu'il y avait certainement certaines personnes qui étaient à blâmer, mais que les autres faisaient juste de leur mieux, sans aucunes arrières pensées. Certaines mers créent juste pour apporter la vie, et espèrent y voir émerger le bonheur et l'espoir. Évidemment, chaque nouvel être est un risque pour les autres, mais je pense que nous devons respecter ce choix qu'elles font. Tant qu'elles le prennent pour les bonnes raisons. Forcer quelqu'un à créer, alors qu'il n'est pas prêt, ce n'est pas bon. Rien ne sert de courir. Et on est toujours meilleur quand on aime ce qu'on fait.
Finalement, toutes les mers font simplement un pari. Celui que leur création deviendra quelque chose de bon. Qu'elle créera à son tour, au lieu de détruire. Grandira, et fera grandir les autres. Aspirera à de grandes choses, et en inspirera d'encore plus grandes.
En s'élevant dans les airs, à bord de la montgolfière, j'ai eu une petite pensée pour ma mère. Pensait-elle que ça création vivrait autant d'aventures ? Je ne pense pas. La vérité est qu'on est jamais vraiment le maître de sa création, on en est seulement le guide.
Et tout en continuant cette réflexion, nous avons reprit notre route, Paul La Montagne et moi-même, en direction du Vietnam.
1D'après mes souvenirs c'est à peu près ce que je disais oui.
2Comme je l'ai dit dans ''Édouard Michael dans Les Petits Papiers de l'Enfer'', il m'arrive assez souvent de perdre espoir en l'humanité...
3Du coup je m'en veux un peu d'avoir simplement laissé tomber, et abandonné la Mer d'Aral.